Fascinante, chaotique, sidérante, voici Istanbul, ville-monde magnétique, hors-normes, traversant les siècles tel un mythe soufflant sans cesse sur ses braises, ravivant mystérieusement le miracle de son propre rayonnement.
Oui, voici Istanbul, l'histoire d'une ville déchue, reconstruite frénétiquement sur l'abîme de son passé, et qui révèle, à côté de la circulation infernale, de sa foule impressionnante, un visage intime, rêveur, qui s'évade et qui s'oublie. Parfois les beautés les plus profondes sont celles qui s'empreignent de la plus impénétrable tristesse, et de la plus incroyable épopée. Ainsi l'Hüzün, cette mélancolie tout à fait turque, semble saisir tout un peuple, balancé entre fierté d'être et nostalgie d'avoir été. En particulier à Istanbul, où ce spleen vient se cristalliser jusque dans le plus dérisoire témoin de sa splendeur disparue.
Peut-être alors l'aura de l'ancienne Byzance ou de la vieille Constantinople vient-elle se rappeler aux esprits des héritiers d'une ville anciennement capitale d'immenses empires, et dont la légende et la gloire passées animent encore l'âme secrète de ses habitants.
Peut-être aussi le Bosphore interroge-t-il toujours et encore, à chaque vision, chaque traversée, sur une cité unique qui a pris la liberté d'hésiter entre plusieurs continents.
Peut-être enfin est-ce tout simplement le lot commun de toute mégapole, où l'humain cherche sa place dans la foule, dans des espaces urbanisés démesurés, et où il finit comme partout à n'être plus qu'une ombre, un reflet ou une silhouette perdue dans son univers.
« Istanbul Hüzün » propose une vision des humeurs d'une ville rattrapée dans sa course par son aura collective. Surpris dans une attitude, dans une pensée, les Stambouliotes y livrent des figures de méditation, d'interrogation, dévoilant des tableaux où le temps paraît se suspendre à lui-même. Comme pour mieux se rejoindre, et se retrouver.